Aber Ac'h est le nom de la partie finale d'un cours d'eau de 30 km qui prend sa source sur les communes de Saint-Thonan et Trémaouezan. Il se termine, comme son nom l'indique par un aber, autrement nommé ria, qui marque la limite entre Lannilis et Plouguerneau. Aber est un terme breton qui désigne un estuaire, un havre plus ou moins large dans lequel remonte la mer. On le retrouve dans d'autres toponymes, tels l'Aber Ildud, l'Aber Benniged (au sud de Lannilis), an Aber, etc. Le terme existe également dans la toponymie galloise (cf. Aberystwyth, Abertawe, Aberafan...), écossaise (Aberdeen) et dans quelques noms corniques. Outre-Manche, en plus de s'appliquer à l'embouchure, Aber peut désigner une zone de confluence entre plusieurs cours d'eau assez éloignée de la mer. Si le premier élément de notre toponyme est bien connu, en revanche le second a fait l'objet d'hypothèses diverses. Dans la plupart des formes écrites actuelles celui-ci est noté -Vrac'h ou -Wrac'h, suggérant le terme Gwrac'h, avec mutation adoucissante après Aber. La forme ancienne de 1521 plaide pleinement pour ce mot orthographié sans la mutation. Reste que Gwrac'h connaît de nombreuses acceptions. Il désigne une "vieille femme", une "sorcière", voire une "sirène" ou une "fée". Pour d'autres, Gwrac'h doit se prendre comme le nom d'une variété de poissons des fonds rocheux nommée tantôt "labre", "loche" ou "vieille" en français. Gwrac'h peut encore désigner localement le "cloporte". Cependant, Gwrac'h admet une autre acception trop souvent négligée, celle d'"amas, monceau, tas (de pierres)". Il pourrait en être question ici, notamment si l'on peut concevoir que le nom se réfère à la très ancienne chaussée de pierres sèches dit Pont Krac'h (peut-être de Pont + Gwrac'h, voir à cette entrée), située au fond de l'estuaire, seul passage pendant des siècles pour se rendre par voie terrestre de Lannilis à Plouguerneau. Autre piste indiquée par Divi Kervella : l'application à l'aber du nom de l'île, ou plutôt des îles situées dans son embouchure, à savoir l'île Vrac'h/Enez Vreac'h Vras et Petites îles Vrac'h/Enez Vreac'h. Il existe cependant une forme ancienne dans la Vie latine de saint Brieuc (XIe siècle), "in portu qui Achim appellatur", que certains attribuent au nom qui nous occupe. Aussi, l'élément Achim réfuterait l'idée du terme Gwrac'h. Achim n'est pas sans rappeler le composant que l'on retrouve dans le nom du Pays d'Ac'h, ancienne circonscription du Leon, nommé "Pagus Achmensis" au haut Moyen-Age. Il se trouve que l'Aber Ac'h en constituait sa limite au nord-est. Or, le nom de cet aber est prononcé clairement Aber Ac'h en breton, sans diphtongaison, comme dans Kastell Ac'h (Karreg ar C'hastell Ac'h, Beg ar C'hastell Ac'h...), non loin sur la côte de Plouguerneau. Le terme Ac'h ayant perdu peu à peu de son sens, et bien que Ac'h soit un nom de famille connu en Leon, le mot Gwrac'h aurait alors progressivement supplanté le terme initial à l'écrit. Nous ne pouvons malheureusement pas trancher entre ces différentes hypothèses. La question est d'autant plus épineuse que Gwrac'h peut très bien se prononcer sans la diphtongue. C'est le cas pour le nom de la vieille sur toute la côte du Leon qui se dit Grac'h et Grac'hed au pluriel. C'est ce que nous avons pu vérifier à Lannilis pour les cloportes qui se disent Grac'hed aussi. Divi Kervella ajoute une dernière piste : les invasions vikings (Xe siècle) ont été importantes dans cette zone et il est curieux de noter que la prononciation du toponyme à la française, avec la finale en /vrak/, rappelle fortement le mot Varech (goémon épave), mot issu du normand Warec/Werec signifiant "épave", d'origine anglo-scandinave, correspondant à Vagrek en vieux-norrois (et que l'on retrouve dans l'actuel anglais Wreck, "épave"). L'Aber Ac'h se trouvant à la fois en pays de goémon(iers) et, dit-on, de pilleurs d'épaves, l'idée mériterait d'être creuser plus avant...